Le marché des « grosses motos » dépassera les 15 milliards d’euros d’ici 2027
C’est officiel : les grosses motos ne sont pas mortes. Loin de là. D’après Stratview Research, ce segment pourtant malmené ces dernières années par des réglementations tatillonnes, des campagnes très anti-moto, et une conjoncture incertaine, est en train de se refaire une santé.
Le marché mondial pèsera 17,3 milliards de dollars en 2027, avec une croissance moyenne annuelle de 3,3 % entre 2022 et 2027. Ce n’est pas une envolée spectaculaire, mais c’est une progression régulière, enracinée, et surtout : elle repose sur des fondamentaux qui tiennent la route.
L’Europe en tête de peloton, sans forcer
Vous pensiez que l’Asie allait tout rafler ? Mauvais pronostic.
C’est l’Europe qui domine les prévisions. Et ce n’est pas une surprise si l’on regarde d’un peu plus près.
D’un côté, la culture mécanique est profondément ancrée sur le Vieux Continent. Il suffit de se balader sur la Route Napoléon ou la Grossglockner pour comprendre que les motards européens veulent du couple, du confort, de l’endurance.
De l’autre, les infrastructures de production sont bien implantées. Entre l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, la capacité industrielle et technologique n’a pas à rougir.
Les constructeurs européens maîtrisent l’assemblage haut de gamme, notamment sur les segments touring et cruiser. En clair, ce sont eux qui répondent aux exigences des motards qui alignent les kilomètres, pas ceux qui se contentent du périphérique.
Le segment touring : le roi, indiscutable
C’est presque trop évident.
Le segment des motos touring reste le plus gros morceau du gâteau, et ce pour une raison très simple : il est le seul à conjuguer puissance, autonomie et confort.
La selle est large, moelleuse, pensée pour les fessiers endurcis comme pour ceux qui sortent de leur premier 500 km.
Le guidon est relevé, les suspensions absorbent les chaos comme un canapé scandinave, et les réservoirs flirtent avec les 25 litres. Ajoutez à cela un régulateur de vitesse, une sono, parfois même un GPS intégré, et vous avez une machine prête à traverser des pays entiers sans broncher.
Et contrairement aux idées reçues, ce segment n’est pas réservé aux retraités en gilet réfléchissant. Il séduit de plus en plus de quadras et de quinquas actifs qui cherchent une machine statutaire, fiable, et capable d’enchaîner les cols comme un couteau suisse.
Pourquoi ça redémarre ?
Parce que l’acheteur a changé.
Avant, la moto lourde était un fantasme ou un caprice de baby-boomer. Aujourd’hui, elle devient une extension du mode de vie pour une population urbaine, mobile, et plus friande de sensations que de SUV hybride sans âme.
Les revenus disponibles augmentent, en particulier dans les tranches d’âge de 35 à 55 ans. C’est la clientèle parfaite : celle qui n’hésite plus à signer pour un engin à 20 000 euros.
Les villes s’étalent, les gens roulent plus loin pour aller bosser, fuir la ville le week-end, ou simplement s’offrir des moments d’évasion. Dans ce contexte, une moto de 1 200 cc devient un outil de liberté parfaitement rationnel.
Enfin, les progrès techniques ont fait voler en éclats la vieille image du gros cube capricieux. Aujourd’hui, un moteur V-twin moderne, bien entretenu, fait 100 000 km sans sourciller. Les ABS, le contrôle de traction, les modes de conduite, les suspensions pilotées et les shifters sont devenus la norme. Vous pouvez rouler vite, longtemps, sans risquer votre disque lombaire à chaque virage.
Qui se dispute le guidon du champion des constructeurs ?
Pas de révolution ici, les géants tiennent toujours le haut du pavé :
- Harley-Davidson domine en Amérique du Nord et conserve une base de fans inébranlable.
- Honda reste une machine de guerre industrielle. La Gold Wing est toujours là, raffinée, presque arrogante de sérénité.
- BMW et Ducati jouent la carte européenne haut de gamme, avec des modèles puissants et bardés d’électronique.
- Kawasaki, Yamaha, KTM ne sont pas là pour faire de la figuration. Chacun a ses armes, souvent plus radicales, plus sportives, mais aussi plus accessibles.
- Polaris et Suzuki complètent le tableau, chacun avec des niches solides et des modèles qui évoluent au gré des attentes du marché.
Bref, le marché n’est pas trusté par un seul acteur, mais animé par une vraie compétition technologique et stylistique.
Et maintenant ?
L’enjeu des prochaines années sera l’électrification, même si, sur ce segment précis, la résistance est forte. Non pas que les motards soient réfractaires, mais une moto lourde, par définition, c’est une bête de sensations mécaniques. Et jusqu’à preuve du contraire, un vrombissement de bicylindre reste plus vivant qu’un sifflement d’inducteur.
D’ici là, les constructeurs misent sur l’optimisation des moteurs thermiques, l’allègement des châssis, et surtout une montée en gamme des équipements.
Il faut aussi surveiller les plateformes numériques : connectivité, navigation embarquée, maintenance prédictive. Tout ça devient partie intégrante de l’expérience de conduite.